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Confinement, déconfinement : perception des Français sur la crise sanitaire

Selon une étude réalisée par LSD auprès de 2000 personnes, les Français ont vécu de manière négative un confinement considéré stressant, ennuyant, anxiogène, et ont particulièrement ressenti la perte de sociabilité qu’il a imposée. Agence spécialisée dans les solutions et stratégies, LSD est dirigée par Frédérique Agnès, pionnière des Big Data, citée parmi les 10 femmes les plus influentes dans le digital, et qui compte à son actif la création des bases de données les plus puissantes de ces 25 dernières années.

Frédérique Agnès nous livre ici son décryptage.

Edito

« Libérés, déconfinés… ou non ?

Si la plupart d’entre nous sommes bien déconfinés, nous ne sommes pas pour autant libérés de nos chers bambins. Certes, ces moments en famille sont délicieux, mais si nous avons délégué depuis 1881 et Jules Ferry une partie des apprentissages à des Professionnel.les, c’est pour une bonne raison : l’enseignement est un métier !

L’informatique est un métier également, et ce confinement, comme le télétravail, a contraint les plus récalcitrant.es d’entre nous à explorer cette matière binaire pour maintenir leur activité.

Nous avons tou.tes développé une aptitude aux tâches multiples dont nous ne nous serions jamais crus capables.

Oui, il est désormais possible de gérer ses dossiers, de beurrer des tartines, d’additionner les sujets, de multiplier les carottes et de soustraire des lapins tout en répondant à un appel forcément urgent, avant de rejoindre un rendez- vous Zoom, Skype, Teams et autres délices afin de deviser en visio avec ses collègues, un crayon dans une main et un enfant sur les genoux, telle une barrière de tendresse face à des jours marqués par la peur des nouvelles, la peur pour les siens, la peur des lendemains qui déchantent, confronté.e à tant de facteurs inconnus et anxiogènes.

Si télétravailler a transformé nos habitudes, que dire face à l’abnégation dont ont fait preuve les « premiers de cordée », tels de bons soldats – pour reprendre le vocable cher au Président – partant la fleur au fusil sur le Chemin des Dames.

Nos Soignant.es, à bout de fatigue, ont porté la nation, les acteurs des métiers d’ordinaire invisibilisés sont devenus nos héros du quotidien (livreurs, boulangers, éboueurs, primeurs, agents d’entretien…) On leur envoie des baisers, des dessins, des mercis !

En nous confrontant à nos peurs primales, cette crise a réveillé ce que nous avions oublié, enfoui sous tant de fausses urgences : l’humanité et son cortège de joies simples.

Personne n’en doute : la « crise » est le phénomène écrasant de l’année 2020.

La crise ou plutôt les crises. Car à celle du Covid-19 est venue se joindre celle économique du pouvoir d’achat diminué, des fins de mois parfois difficiles, du moral en berne et de l’avenir incertain.

Ces peurs vont de pair avec une défiance profonde à l’encontre des dirigeants politiques. Sous ces cieux bas et lourds, le contexte des élections municipales a pris un tour inédit.

D’un côté, l’accumulation des promesses prend le pas sur la crédibilité. De l’autre montent la colère et le rejet, ferments potentiels d’une crise sociale.

Rien d’insurmontable néanmoins lorsqu’on se souvient de ce que les générations précédentes ont vécu… il y a 75 ans lorsqu’en mai 1945 était enfin annoncée la fin d’une guerre si éprouvante pour le monde.

Comment ne pas reprendre les mots d’Elizabeth II, qui en presque un siècle a connu tant de maux et a su apaiser le monde entier en mondovision, en quelques mots si bienveillants : « Les beaux jours reviendront. Nous reverrons nos amis. Nous reverrons nos familles. Nous serons à nouveau réunis ».

La bienveillance : c’est également le message que nous envoient les Français. es en répondant en nombre à cette étude. Ils ne semblent pas se résoudre au renoncement. Derrière l’effort subsiste une forme d’espoir pour un monde plus solidaire.

Frédérique Agnès, Fondatrice de LSD

 

Résultats de l’étude

1. Perception et vécu de la situation de confinement

Le confinement a été globalement vécu de manière négative par les Français.es, plus enclin.es à le considérer ennuyant, stressant voire oppressant. Contrairement à une idée reçue, la distinction appartement-maison semble n’influer que très peu sur cette perception, qui est en revanche déterminée dans une plus large mesure par l’âge et les situations familiale et professionnelle.

Et si les Français.es ne mettent pas en cause la légitimité de ce dispositif, ils et elles n’en ressentent pas moins les effets contraignants, aggravant une situation anxiogène par nature. La perte de sociabilité qu’il implique est particulièrement mal vécue.

Le confinement est globalement vécu négativement par les Français.es qui le considèrent comme ennuyant (29%), stressant (27%), oppressant (25%). Parmi les adjectifs positifs, seul reposant (26%) se démarque.

2. Continuité de l’activité professionnelle et mobilité

Malgré la mise en place d’un dispositif de chômages technique et partiel, la continuité de l’activité professionnelle sous différentes formes est bel et bien la situation majoritaire chez les Français.es.

Ceux-ci sont principalement confinés dans leur logement principal, mais une mobilité existe, notamment vers le cercle familial, chez les jeunes et depuis la région parisienne.

La mobilité, ou absence de mobilité, semble bien dépendre d’un choix et non d’une situation subie.

Malgré un recours important aux mesures de chômage partiel ou technique, la continuité de l’activité professionnelle est majoritaire chez les Français.es.

Plus de 50% des Français.es ont continué de travailler selon différentes modalités (télétravail, travail sur site ou alternance entre présentiel et télétravail).

Alors que le chômage technique semble concerner 23% des Français.es, ils sont 22% à continuer à se rendre sur leur lieu de travail.

3. Le confinement seul.e

Le confinement seul.e est la solution privilégiée par, ou imposée chez, un cinquième des Français.es. Les jeunes et les personnes âgées sont les plus affecté.es par cette solitude de confinement. Paris, sa région et et les grandes villes concentrent une proportion plus élevée de personnes confinées seules, et ceci principalement dans des appartements, en adéquation avec la typologie de résidence urbaine.

4. Le confinement en famille et la continuité pédagogique

 Plus de 2 tiers des Français.es sont confiné.es en couple ou en famille.

Le cas des couples avec enfants est particulièrement intéressant à analyser car il recoupe les perceptions de la continuité pédagogique, dont nous pouvons tirer un bilan à l’heure où certains enfants ont retrouvé le chemin de l’école.

Et si ces conclusions sont globalement positives, elles révèlent des différences notables, voire des inégalités, scolaires, sociétales et géographiques.

La perception qu’ont les parents de leurs capacités ou non à assurer correctement le suivi fluctue selon l’âge de leurs enfants, leur propre niveau d’études, et le type d’établissement fréquenté par leur(s) enfant(s). L’engagement marqué des enseignants est souligné par les Français.es.

5. Le respect du confinement et des mesures de précaution

Le sentiment d’avoir pris de bonnes précautions est prégnant chez les Français.es, tout comme celui d’avoir respecté les règles du confinement. En revanche, des distinctions existent entre le respect d’une application stricte ou souple des mesures.

Cette décision d’appliquer ou non une flexibilité aux règles varie selon l’âge et l’appréhension d’un risque encouru personnellement en tant que personne à risques, l’inquiétude vis-à-vis de l’épidémie, ou l’appréciation d’un dispositif jugé ou non proportionné à la situation.

6. Epidémie et action de l’exécutif

Près des trois quarts des Français.es s’estiment inquièt.es vis-à-vis de l’épidémie. À cet égard, au-delà de l’anxiété inhérente à la propagation du virus, ils voient d’un œil circonspect l’action gouvernementale, puisque la majorité d’entre eux estiment que l’exécutif n’a pas été à la hauteur de la situation, n’a pas alloué de moyens suffisants aux professionnel.les de santé pour lutter contre le virus, a manqué de clarté dans sa communication…

Seul point positif au tableau : le dispositif de confinement a globalement été bien accepté et jugé proportionné.

Face à la crise économique qui se profile, ils sont partagés face à d’éventuelles mesures temporaires d’assouplissement du code du travail.

7. Crise et questionnements

La crise sanitaire a amené avec elle de nombreuses questions d’opinion. Aux rangs de celles-ci, l’hypothèse de l’antipaludéen chloroquine comme traitement possible du Covid-19, portée sur le devant de la scène par le professeur Didier Raoult, a divisé le monde scientifique et, dans son sillage, l’opinion publique.

Le soutien unanime au personnel soignant s’est cristallisé dans la pratique des applaudissements de 20h, inégalement suivie selon les individus, les régions et le type d’espaces.

Enfin, des professions d’ordinaire « invisibilisées » ont assuré la continuité économique du pays, recueillant les faveurs d’une très grande partie de la population.

8. Crise et solidarités

Période de crise sanitaire oblige, les Français.es ont plus spécifiquement orienté leurs dons financiers vers les hôpitaux et dans le domaine de la santé en général.

Leur choix a été vraisemblablement dicté par la forte présence médiatique éclairant l’univers hospitalier et l’insuffisance des moyens dont ils disposaient.

De manière plus générale, ce fut également une période propice à l’éveil de solidarités de toutes sortes.

9. Les municipales en contexte d’épidémie

Alors que fermaient restaurants et bars, et affleurait un confinement dont on taisait encore le nom, la décision de maintenir le premier tour des élections municipales a été vivement critiquée par une majorité de Français.es (75%). Beaucoup d’entre eux estiment avoir pris un risque en allant voter, et ceux qui ne l’ont pas fait invoquent la crainte de l’épidémie comme principal facteur de leur choix, portant le taux d’abstention à un record de 55%.

10. L’après confinement

La situation de confinement n’était évidemment pas appelée à demeurer éternellement (et heureusement). Ainsi, la question des conditions dans lesquelles y mettre un terme s’est rapidement posée. La date de fin de confinement a été source de clivages chez les Français.es, notamment selon les situations économiques personnelles.

Par ailleurs, de fortes tendances apparaissent : l’espoir de retombées positives en ce qui concerne l’écologie et la solidarité entre les individus cohabite avec un pessimisme très prégnant touchant le domaine économique.

En raison des conditions sanitaires et économiques, il semble possible que moins de Français.es prendront cette année la route des vacances.