26 juillet 2000.
Le temps était menaçant, presque pluvieux.
Mais l’inspectrice s’en fichait.
Le monde s’attendait à l’apocalypse de l’an 2000, mais pour l’inspectrice Nathalie G, 32 ans, la seule apocalypse qui importait était le désordre. Assise à son bureau, dans son appartement immaculé de Bois-Colombes, Nathalie parcourait d’un œil aguerri les colonnes méticuleusement agencées de son tableau organisationnel. Chaque dossier avait sa place, chaque indice sa catégorie. C’était sa méthode, celle qui l’avait hissée au rang de meilleure enquêtrice de France.
D’aucuns la surnomment même « La Profileuse ».
Ses lunettes de soleil, toujours perchées avec élégance sur ses cheveux châtains, attendaient patiemment le moment de quitter l’intérieur feutré pour les mystères du monde extérieur. Aujourd’hui, l’appel venait d’un manoir cossu, à quelques rues de chez elle. Le vieux Monsieur Dubois, un industriel retraité, avait été retrouvé sans vie dans son salon, une tasse de thé à la main. L’inspecteur Lafleur, un jeune homme zélé, mais un peu trop bavard pour les goûts de Nathalie (qui détestait par-dessus tout les longues réunions et les discours inutiles), l’avait déjà briefée au téléphone.
Nathalie se remémora sa matinée. Un détour par le marché de Bois-Colombes, un de ses petits plaisirs coupables, où les couleurs et les odeurs l’aidaient à décompresser avant le tumulte d’une enquête. Elle avait évité avec soin les étals de concombres, sa bête noire culinaire. Le marché était aussi un lieu de réflexion, où les pièces du puzzle commençaient souvent à s’assembler dans son esprit vif et analytique.
En arrivant au manoir, Nathalie laissa Lafleur lui présenter les faits, l’interrompant d’un geste sec dès qu’il s’égarait dans des conjectures. Le corps, le salon, la tasse de thé… Tout semblait banal. Trop banal. Monsieur Dubois, solitaire et reclus, n’avait pas d’ennemis connus. Du moins, c’est ce que la police locale pensait. Nathalie, elle, n’était jamais satisfaite des évidences. Elle détestait par-dessus tout les zones d’ombre. Un devis signé ou un contrat clair lui procurait une satisfaction bien plus grande qu’une théorie bancale.
Elle examina les lieux avec une attention chirurgicale. Les détails étaient ses alliés. Un cendrier propre alors que Monsieur Dubois était un fumeur invétéré. Une fenêtre légèrement entrouverte, alors qu’il était réputé pour sa phobie des courants d’air. Et puis, cette petite broche en forme de moto, discrètement posée sur une étagère. Une moto ? Monsieur Dubois n’avait jamais montré d’intérêt pour ce genre d’engin. Nathalie, grande fan de MotoGP, reconnut immédiatement le modèle. Étrange.
« Lafleur, » dit-elle, ses yeux plissés d’une perspicacité redoutable, « avez-vous vérifié si Monsieur Dubois avait des dettes ? Ou des différends récents ? Qu’en est-il de sa famille, de ses amis proches ? »
Lafleur bredouilla quelques noms. Une nièce, un vieil ami. Puis, il s’exclama « je pense… que je sais ! »
Mais Nathalie savait qu’il ne serait d’aucune utilité sur cette affaire. Elle lui répondit alors d’un ton affirmé, mais calme :
« Tout doux bijou ! ».
En réalité, elle ne l’écoutait déjà plus vraiment, elle pensait déjà à ses prochaines vacances en Croatie.
Fermer les yeux, s’imaginer sur sa plage, ses voisins, ses boissons étranges… Tout cela l’aidait beaucoup à réfléchir. S’évader pour mieux reconnecter, pour mieux analyser, pour mieux comprendre.
Son esprit s’était déjà mis en marche, connectant les points. Alors, elle pensait à ses escapades à Villers-sur-Mer en Normandie, au bruit des vagues qui apaisait ses pensées, mais surtout, à la satisfaction de voir un cas complexe se démêler, un peu comme une nouvelle réglementation RGPD qu’on finit par maîtriser. Pour Nathalie, chaque enquête était une nouvelle énigme à décortiquer, avec l’assurance que la vérité, aussi bien dissimulée soit-elle, finirait par émerger.
Le mystère du manoir de Bois-Colombes ne faisait que commencer, et Nathalie savait qu’elle ne s’arrêterait pas avant d’avoir mis au jour chaque secret, chaque mensonge, jusqu’à ce que le coupable soit démasqué, avec la même clarté qu’un devis signé et validé.
—
Je n’ai pas la plume d’Agatha Christie (Gemini – qui m’a assité – non plus d’ailleurs), mais j’espère que ce début d’intrigue aura au moins réussi à te faire sourire.
Joyeux anniversaire !!
– HJB